Historiquement, l’industrie forestière a toujours été vitale à l’économie du Québec. Malgré le fait que le gouvernement américain ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues, suffit de penser aux tarifs douaniers jugés illégaux à maintes reprises, le secteur québécois de la forêt sait tirer son épingle du jeu et diversifier sa production.
Des bioproduits forestiers développés ici se retrouvent aujourd’hui dans les milieux de l’alimentation, des cosmétiques, de l’hygiène, des transports, des plastiques, de l’énergie, etc. Les constituants extraits du bois sont actuellement utilisés pour fabriquer des liants, des épaississants ou des texturants qui ont des propriétés recherchées dans la fabrication de produits de consommation plus verts et à valeur ajoutée.
Dans le monde de la santé, des recherches sont réalisées afin de mieux comprendre et utiliser les propriétés antiseptiques, antibactériennes, antifongiques, anti-inflammatoires, antioxydantes et anesthésiantes du bois. Les bioproduits forestiers sont aussi des partenaires de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques et les impacts environnementaux.
Le réseau des centres collégiaux de transfert de technologies (CCTT) en compte plusieurs dans l’exploitation des forêts regroupés au sein de l’Escouade des ressources forestières et des produits du bois :
Le Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ), membre du réseau de neuf Regroupements sectoriels de recherche industrielle du Québec (RSRI), travaille activement à la valorisation de la biomasse forestière et au développement de technologies vertes (Green Tech).
« Le plus important défi demeure l’accès aux marchés à cause des prix. Nous tentons de remplacer des produits pétrosourcés par des bioproduits issus de la chimie verte. Dans le cas des bioplastiques, l’écart des coûts se réduit de plus en plus et nos solutions deviennent compétitives et plus facilement acceptables », explique Geneviève Mathieu, présidente-directrice générale du CRIBIQ.
Les résidus forestiers représentent un beau potentiel de revenus, mais dans bien des cas, le coût du transport tue sa rentabilité. « Nous réalisons quand même des avancées importantes. Par exemple, dans le milieu de la construction, les résidus entrent dans la fabrication de substituts au béton et à l’acier. Je suis aussi très enthousiaste par rapport à ce que la forêt peut offrir comme solution dans la lutte aux changements climatiques. L’économie circulaire est aussi en train de s’installer dans l’écosystème de la foresterie afin de générer des économies dans l’usage des ressources naturelles. Le Québec étant un pays de ressources naturelles, la possibilité de fonctionner avec des circuits courts de transport ne peut qu’avantager les intervenants et favoriser l’emploi local », renchérit madame Mathieu.
La foresterie est un beau mélange de petites entreprises et de grosses corporations, mais ce sont les PME qui propulsent l’innovation. Mais ce n’est pas facile de mettre les efforts requis à l’innovation quand ce n’est pas l’activité principale (core business) d’une entreprise.
« Le CRIBIQ accompagne les entreprises et veut créer une chaîne de valeurs à l’intérieur de laquelle le bucheron trouve des clients intéressés à ses résidus. Dans un petit marché de 8 000 000 de consommateurs, il y a des trous dans cette chaîne de valeurs. Il n’y a pas si longtemps, les Américains s’intéressaient à notre bioéconomie. Mais c’est de moins en moins prioritaire dans cette période d’incertitude », avance Geneviève Mathieu.
« Il est important de ne rien laisser tomber et c’est ainsi qu’il y a eu des avancées spectaculaires dans la transformation alimentaire récemment avec de nouvelles protéines émanant des résidus de la forêt. On développe également de nouvelles propriétés au sirop d’érable afin d’en faire un aliment encore plus fonctionnel. Et l’industrie veut aussi jouer un rôle de premier plan dans la construction de millions de logements requis au Canada. Le bois est sans contredit la meilleure solution dans ce projet de société. »
CCTT affilié au Cégep de Rimouski depuis 2007 et reconnu comme un centre d’accès à la technologie par Tech-Accès Canada depuis 2019, le SEREX offre des services d’expertise et de recherche en transformation du bois, innovation et technologie.
« SEREX a déjà été bien présent dans le domaine de la formation, mais avec l’avènement de Formabois, il l’est moins. En 2024, nous avons accompagné 105 clients dans l’élaboration et la réalisation de projets structurants. Dans certains cas, il s’agit de projets ponctuels tandis que pour d’autres, ce sont des travaux de longue haleine. Nos clients viennent de partout au Canada », avance Papa Niokhor Diouf, PhD, directeur général de SEREX, dont les activités sont concentrées dans quatre champs :
« Il est important d’aider l’industrie à proposer des produits respectueux de l’environnement ; de faire la promotion du bioraffinage forestier maximisant les composantes du bois pour chauffer à la biomasse et produire du carburant à pyrolyse », souligne Papa Niokhor Diouf.
« Et en ce moment, il faut déployer des efforts dans l’écoconstruction, alors que le code du bâtiment canadien permet maintenant d’ériger des édifices de 18 étages avec des structures de bois. Avec ses propriétés d’isolation et ses possibilités de constructions modulaires et préfabriquées, le bois doit être retenu comme un élément majeur des grands projets de construction résidentielle qui verront le jour afin de contrer la crise du logement au pays. »
Des intervenants comme le SEREX et le CRIBIQ jouent des rôles dont l’importance s’accentue dans tous les secteurs de l’industrie. La capacité énergétique du bois ne se limite plus à la biomasse, des avancées permettent de la transformer en combustible liquide pouvant remplace le mazout ou bunker dans le Nord et ainsi contribuer à décarboner les régions boréales. Le transport maritime profiterait aussi de ces nouveaux produits et le bois pourrait aussi s’immiscer dans la filière batterie en développant des anodes à partir de biographite dans des batteries pour stocker de l’énergie.
Bioénergie AE, une entreprise de la Côte-Nord, produit déjà du carburant liquide émanant de biomasse résiduelle, afin de combler des besoins de chauffage industriel.
Papa Niokhor Diouf qualifie de « très prometteur l’avenir de la forêt » et mentionne « qu’il ne peut y avoir de surconsommation même en coupant tout ce qui pousse, sachant qu’un arbre mature cessera de capter le CO2 pour en produire en vieillissant. Les acteurs de l’industrie forestière doivent être des visionnaires et développer de nouvelles applications pour les résidus coproduits dans une économie circulaire. Le potentiel de nos forêts comme source de bioproduits ne fait que commencer à être exploité. »