Pour Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), l’avenir de l’économie québécoise passe par le secteur manufacturier.
Pourquoi ? Parce que seul le secteur manufacturier permettra une amélioration absolument essentielle de la balance commerciale ; parce que les activités de recherche et développement (R&D), leur valorisation et la commercialisation de produits à forte valeur ajoutée s’appuient sur un secteur manufacturier solide ; parce que la source première des gains de productivité se trouve dans les activités manufacturières ; parce que la valorisation des ressources naturelles ne peut être soutenue que par le secteur manufacturier et enfin, parce que le secteur manufacturier procure des emplois de qualité, y compris dans le secteur des services. Voilà les arguments qui reviennent chaque fois que la directrice, Affaires publiques et relations gouvernementales chez MEQ, Audrey Azoulay, explique la priorité manufacturière.
« Le rapport de force mondial se situe au niveau de la main-d’oeuvre, de la performance globale des coûts et de l’automatisation. Une conjoncture qui s’applique à tous les secteurs industriels. » – Normand Voyer, président-directeur général de Sous-traitance industrielle Québec (STIQ).
Chez Sous-traitance industrielle Québec (STIQ), on dépeint qu’à eux seuls, les quatre secteurs qui possèdent une chaîne d’approvisionnement structurée : l’aéronautique, le transport, les ressources minérales et l’énergie électrique représentent environ 170 000 emplois et plus de 60 G$ au Québec. De ces 60 G$, le secteur de l’aéronautique enregistre 12 G$ en ventes annuelles.
De ce dernier montant, 10 G$ sont produits par les quatre fabricants de pièces d’origines ou maître d’œuvre (MOE) que sont Bombardier Aéronautique, Pratt & Whitney Canada, CAE et Bell Helicopter Textron Canada. Viennent ensuite les 15 entreprises de taille intermédiaire (telles que Héroux-Devtek, L-3 MAS, Esterline CMC Électronique, etc.) pour 1 G$ tandis que les 250 PME sous-traitantes se partagent le milliard restant1.
Or, si ces quatre sphères industrielles sont toutes performantes au Québec, cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas vulnérables aux difficultés.
« Chaque secteur est devant des défis de réduction de coûts de fabrication et des défis de rapport qualité/prix et n’est pas à l’abri de la concurrence mondiale, explique M. Normand Voyer, président-directeur général de Sous-traitance industrielle Québec (STIQ). Maintenant, ce qu’il manque aux Bombardier Aéronautique, Pratt & Whitney Canada, CAE inc. et Bell Helicopter Textron Canada, ce sont des entreprises Tiers 1. Ces quatre grands donneurs d’ouvrage cherchent à faire affaire avec un nombre restreint d’entreprises et ainsi, faire le moins d’assemblage possible une fois que les pièces sont livrées dans leurs installations. Elles souhaitent recevoir un panneau d’aile complet avec déjà tout ce qu’il faut en matière d’hydraulique, par exemple. » Comme l’aéronautique, le secteur des transports est confronté au même défi dans la structure de la chaîne d’approvisionnement.
« Le rapport de force mondial se situe au niveau de la main-d’œuvre, de la performance globale des coûts et de l’automatisation, croit M. Voyer. Une conjoncture qui s’applique à tous les secteurs industriels. »
L’industrie du bois et du papier, celui de l’assemblage d’électroménagers et celui des pièces électroniques sont, à son avis, des secteurs industriels qui ont été fortement éprouvés au cours des dernières années.
On n’a qu’à penser à la chute de Nortel, en 2009, la fermeture de Mabe, à Montréal-Est, d’Électrolux à L’Assomption et plus récemment, de Produits forestiers Résolu, à Shawinigan, tandis que dans certains cas, on rapatriait la production aux États-Unis ou ailleurs, dans les pays émergents, dans d’autres on a mis fin aux opérations commerciales tout court.
« L’économie au Québec est une petite économie ouverte. Il n’y a rien de péjoratif là-dedans, seulement que notre salut économique passe par le commerce mondial », ajoute à son tour Mme Azoulay.
Dans une optique générale, MEQ voudrait voir l’industrie manufacturière se diversifier davantage.
« Pour tous les secteurs manufacturiers, il y a place à la modernisation. Même les plus traditionnels. Sans dire qu’un secteur est plus délaissé que l’autre, autant l’agroalimentaire, la transformation des métaux et la foresterie que l’aéronautique et les technologies de l’information. Par exemple, on coupait autrefois du bois puis on fabriquait des meubles. Aujourd’hui, il y a énormément de science dans l’industrie du bois, mentionne Mme Azoulay. Et malgré le repositionnement des pôles avec les pays émergents, ce serait une erreur monumentale que de tout laisser aller aux mains de ces derniers… »
« L’économie au Québec est une petite économie ouverte. Il n’y a rien de péjoratif là-dedans, seulement que notre salut économique passe par le commerce mondial. » – Audrey Azoulay, directrice, Affaires publiques et relations gouvernementales chez Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).
Contrairement à la tendance qui veut que des multinationales d’ici s’établissent dans les pays émergents pour réduire leurs coûts de production et augmenter leur rentabilité, le géant du jouet Mega Brands rapatriait sa production de la Chine à Montréal vers 2008. La modernisation de ses opérations lui aura valu une intéressante remontée!
En effet, frappée par la crise financière de 2008, Mega Brands a revu ses objectifs et a opté pour un modèle d’investissement tourné vers l’automatisation et la technologie. Résultat : les coûts de production ont baissé radicalement par rapport à ce qu’il leur en coûtait en Chine, tandis qu’on observe une meilleure rapidité d’exécution.
Le Québec regorge d’entreprises manufacturières qui font preuve de créativité et réussissent dans leur domaine, mais il est aux prises avec des usines qui n’ont pas su moderniser suffisamment leurs installations. « Elles n’ont pas investi dans la modernisation. Cela prend une volonté politique et aussi, une consolidation des industries autour d’un but commun, pour leur donner une impulsion et les encourager, tous secteurs confondus. La concertation et les pouvoirs publics ont beaucoup d’impact sur l’activation en ce sens. Mais, le nerf de la guerre demeure les ressources financières. C’est pourquoi nous croyons, chez MEQ, que lorsque les entreprises auront des leviers financiers, ils investiront », de poursuivre Mme Azoulay.
AddÉnergie est un autre exemple éminent d’une entreprise québécoise qui réussit en affaires, et ce, haut la main. Oeuvrant pour sa part dans le secteur de l’électrification des transports, l’entreprise est un leader canadien dans le domaine de la recharge des véhicules électriques rechargeables (VER), ce qui en fait l’une des rares PME à percer dans le secteur de l’électrification des transports actuellement.
« Avec une volonté politique sérieuse, le Québec pourrait mettre cette richesse qu’est l’énergie électrique davantage à profit », croit quant à elle, la première vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Madame Francine Lévesque.
Des initiatives sont pourtant nées de ces réflexions… La CSN, qui croit que l’État a un rôle prépondérant à jouer là-dedans, s’est penchée sérieusement sur l’avenir du secteur manufacturier et industriel québécois et a adopté, vers la fin de 2012, une politique en ce sens intitulée Avenir du secteur manufacturier et industriel québécois : pour une intervention structurée et un développement durable.
Or, bien que beaucoup de démarchage ait été entrepris au sein d’associations, des instances gouvernementales et de différents organismes, la passation des pouvoirs des péquistes aux libéraux en
avril dernier nous ramène à la case départ. « Actuellement, l’état de la situation est le suivant : tant au provincial qu’au fédéral, la tendance est aux mesures d’austérité, voire ultimement au déficit zéro », admet Francine Lévesque.
Le diagnostic posé par Mme Lévesque est qu’en plus d’exploiter nos matières premières ici, il faudrait développer des expertises pour savoir les transformer ici plutôt que de simplement les exploiter et les envoyer ailleurs. « Non seulement on demande aux gouvernements de soutenir l’infrastructure de développement, mais cela permet de créer des emplois de qualité et de mettre à contribution les jeunes générations, ainsi que les régions, toujours dans une optique de développement durable. Ainsi, on est à l’ère des coupures, pas du développement… De fait, on se coupe des moyens dont on peut se doter comme population à avancer en ce sens », résume-t-elle.
Parlant de volonté politique, avec l’arrivée de l’automne viendront des discussions chaudes pour nos différents paliers de gouvernements sur des enjeux sociaux qui eux, ont décidément toujours beaucoup d’impact sur l’économie.
Source1 : Baromètre industriel québécois – 5e édition
Liens Internet:
Lien vidéo: