MISA, c’est un pôle d’excellence mis sur pied par le gouvernement du Québec pour appuyer les projets de recherche industrielle et d’innovation technologique au service de l’industrie minière d’ici. L’acronyme signifie Mines, Innovation, Solutions, Applications.
Alain Beauséjour est le directeur général de cette organisation et, en entrevue au Magazine MCI, explique comment il met en lien les entreprises technos, souvent des PME, avec les grandes minières qui mettent en valeur les richesses du sous-sol québécois.
« Depuis le tout début, depuis 2007, l’innovation minière est au cœur de la mission d’organisation », dit-il d’entrée de jeu.
M. Beauséjour estime qu’il était audacieux de la part des précurseurs du programme de parler d’innovation dans le secteur minier en 2007. Pas tellement que cette industrie soit conservatrice en soi, mais parce que, comme tout secteur fortement capitalisé, toute modification aux façons de faire peut avoir de très grands impacts.
« L’industrie minière gère de façon très rigoureuse ses risques. Et lorsqu’on amène une proposition innovante à l’industrie minière, on démontre que c’est à risques pondérés », ajoute notre invité.
Alain Beauséjour utilise une expression très imagée pour illustrer la valeur de l’innovation : « Une invention, c’est une bonne idée. Une innovation, c’est une bonne idée avec un marché. »
Le marché, c’est l’exploitation minière, les gens innovants avec des idées pour répondre aux besoins de ce marché, ce sont des entreprises comme ARA Robotique qui a élaboré des systèmes de drones conçus pour optimiser la collecte de données géospatiales dans l'industrie minière. Cette solution permet d’obtenir des relevés aériens automatisés, fournissant des informations précises et en temps réel sur les sites miniers.
Ou encore Arlyx qui conçoit des véhicules de transport électriques et autonomes, qui ne coûtent pas un sou de diesel et ne rejettent aucune émission dans les mines.
Il y a aussi Elemission et ses laboratoires mobiles qui génèrent des cartes minéralogiques détaillées, sans parler des solutions de pompage minier de Technosub.
Ce sont toutes des entreprises québécoises, et la constellation de PME qui, comme elles, fournissent des biens et des services aux grandes minières génèrent autant d’emplois que les sites miniers eux-mêmes, précise le directeur général de MISA.
« MISA a développé un cœur de métier très distinctif, qu’on appelle la gestion opérationnelle de l’innovation technologique, qui nous permet d’amener une proposition de services professionnels aux PME innovantes de la filière minérale du Québec », indique M. Beauséjour.
Et si les mines elles-mêmes sont plus souvent qu’autrement en régions éloignées, les équipementiers intégrateurs, eux, sont partout sur le territoire du Québec, notamment dans la grande région de Montréal.
« Lorsqu’on amène une solution innovante à l’industrie, c’est d’abord pour faire un gain de productivité, d’optimisation, résoudre une problématique. Il faut trouver c’est quoi l’indicateur de performance qu’on veut améliorer. C’est quoi la pratique plus durable qu’on veut instaurer », explique le directeur général de MISA.
« Une fois qu’on a trouvé le terrain de jeu, on peut évaluer le potentiel d’une innovation. »
En un mot, MISA vise à quantifier la pertinence d’affaires des projets qui lui sont soumis.
L’organisation mise également beaucoup sur le développement durable et vise à faire du secteur minier du Québec une industrie carboneutre d’ici 2050.
« L’ensemble des sociétés d’extraction se sont déjà dotées de plans d’action pour réduire leur empreinte carbone. C’est donc une tendance de fond, qui mobilise de plus en plus les sociétés minières », observe M. Beauséjour.
C’est dans cette optique que MISA a lancé l’initiative baptisée « Mission décarbonation », qui regroupe des partenaires d’un océan à l’autre.
« On pense qu’on va avoir 35 à 40 projets qu’on peut réaliser dans les 36 prochains mois », ajoute notre invité avec fierté.
Les relations entre MISA et les fournisseurs innovants se font dans les deux directions. Parfois ce sont les PME qui cognent à sa porte pour avoir de l’aide à intégrer le secteur minier, parfois c’est MISA qui va vers elles parce qu’elle voit du potentiel en ces PME.
« En 24 mois, de l’idée au marché, on va avoir accompagné 26 équipementiers intégrateurs québécois dans le développement commercial de solutions d’affaires d’objets connectés », indique M. Beauséjour.
Les entreprises minières partenaires vont ensuite tester ces solutions sur le terrain par le biais de projets pilotes.
« Les minières québécoises sont particulièrement collaboratives dans cette dynamique-là, parce que ça leur permet d’évaluer les technologies et de voir de visu comment ça va améliorer leur sort », explique le patron de MISA.
Selon M. Beauséjour, les objets connectés sont au cœur de la transition numérique de l’industrie minière du Québec, qui repose sur les technologies de transport de données.
« Il faut souligner qu’Agnico Eagle, division LaRonde, a fait la preuve de concept de la technologie LTE qui assurait la capacité de transporter les données à partir des équipements sous terre. On peut maintenant parler avec un téléphone à 3 kilomètres sous terre. »
« En 2019, tout le monde a compris que l’enjeu technique du transport des données pour les opérations souterraines était maintenant un enjeu technique résolu. Depuis ce temps-là, les minières investissent massivement dans le déploiement de technologies de transport de données. »
Et pour faire du transport de données, ça prend des objets connectés.
« Tous les dispositifs sous terre sont de plus en plus connectés. Les équipements mobiles, les équipements fixes comme les pompes, les ventilateurs. Les humains sont aussi de plus en plus connectés et émettent des données qui sont captées par les technologies de transport de données. »
Cette connexion permet de suivre les opérations en temps réel, grâce à l’Internet des objets (IoT).
Cette agilité accrue contribue à la hausse de productivité des entreprises minières. « Ça change complètement la donne », constate le directeur général de MISA.
Le volet santé et sécurité est également d’une première importance lorsqu’il est question d’humains connectés, plus faciles à localiser et à aviser, par exemple, d’un enjeu de qualité de l’air dans le secteur où ils se trouvent.
« Par les ventilateurs connectés, on est capables de suivre en temps réel si les ventilateurs sont fonctionnels, si les ventilateurs poussent les cfm [pieds cubes à la minute] qui sont prescrits et si les cfm sont de qualité pour assurer la sécurité. »
« Dans un avenir très proche, on va être capable de suivre leurs signes vitaux pour que, s’il y a quelqu’un qui a un ennui de santé, on soit capables d’intervenir le plus rapidement. C’est le genre de choses qui vont se déployer de plus en plus rapidement », estime M. Beauséjour.
« L’industrie minière du Québec est en peloton de tête sur plusieurs dimensions : sécurité, environnement minier, mécanisation des opérations, acceptabilité sociale. Il y a énormément de pratiques qui se sont implantées et qui sont devenues des standards », ajoute-t-il.
Selon M. Beauséjour, le cuivre a de beaux jours devant lui avec l’électrification des transports.
« Pour réussir la transition énergétique, en termes de volume c’est le cuivre qui est le minerai critique et stratégique le plus important. »
Il estime que le nickel va également connaître une belle croissance.
La circularité de l’économie des métaux est par ailleurs en émergence, notamment pour recycler davantage les métaux déjà transformés.
« On a juste à regarder ce que les Européens sont en train de faire, ils sont toujours en avance sur nous à ce niveau-là. C’est clair que la circularité, et donc la capacité de revaloriser les minéraux, il faut explorer ces pistes-là. Gardons en tête que la circularité c’est dans l’ADN de la substance minérale. La majorité des substances minérales sont recyclables plusieurs fois et à très fort pourcentage. »
Pour les grands constructeurs automobiles qui se tournent vers l’électrique, nos minéraux sont non seulement critiques, ils sont également éthiques dans la mesure où ils sont extraits dans le respect des droits humains, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs sur la planète.
Et alors que le bilan ESG (environnement, société, gouvernance) des entreprises prend de plus en plus d’importance, cela permet à notre secteur minier de se démarquer.
« Ça, ça peut être un avantage compétitif à l’industrie minière du Québec. Les minéraux produits par les minières du Québec dans une perspective ESG cochent beaucoup plus de critères et performent très, très bien par rapport aux juridictions comparables », constate M. Beauséjour.
« Que ce soit pour desservir des marchés au Québec ou ailleurs dans le monde, l’industrie minière du Québec fait partie de la solution pour assurer la transition énergétique et la transition numérique avec ses minéraux disponibles sur son territoire », ajoute le directeur général de MISA.
Au-delà de l’extraction en cours, il y a encore beaucoup de projets d’exploration de gisements de minéraux critiques et stratégiques au Québec, qui pourraient prendre des années avant de se matérialiser. Mais il estime que les avancées sont prometteuses, citant des joueurs tels qu’Ariane Phosphate ou Nemaska Lithium.
Le concept de mine autonome est aussi dans la mire de MISA. La main-d’œuvre est toujours difficile à trouver, et elle est vieillissante au Québec.
« Notre vision d’avenir, notre vision structurante et stratégique, c’est l’autonomisation des opérations minières », indique Alain Beauséjour.
« On est au début d’une nouvelle ère minière, et chez MISA on a plusieurs projets qui visent à saisir toutes les opportunités de développer ici toutes les technologies qui vont favoriser cette transition-là vers l’autonomisation des opérations », conclut-il.