L’incorporation est souvent considérée comme la solution à tous les maux, dans ce sens qu’elle apporte des avantages considérables pour qui souhaite exploiter une entreprise.
C’est pour cette raison que, d’années en années, de plus en plus d’ordres professionnels permettent dorénavant à leurs membres d’incorporer leur entreprise personnelle.
Il s’agit d’une réalité avérée que la société par actions bénéficie d’avantages fiscaux considérables. Par contre, des obligations y sont liées et des exceptions existent. Il faut donc effectuer une réflexion préalable à la décision d’incorporation, afin de valider si l’incorporation est une situation avantageuse dans votre cas précis.
Le ou les particuliers désirant opérer une entreprise peuvent le faire sous la forme d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou encore par le biais de l’incorporation d’une société par actions.
Contrairement à la croyance populaire, les règles fiscales concernant la déduction des dépenses contre les revenus générés par l’entreprise sont les mêmes, peu importe la forme juridique.
Les principales caractéristiques de chacune des formes sont résumées dans le tableau ici :
Bien que l’incorporation apporte d’autres avantages qui seront soulevés plus bas et dans les prochains articles de cette série, le principal bénéfice de l’incorporation réside dans le taux d’imposition.
Ainsi, les entreprises exploitées activement bénéficient d’un taux d’imposition fixe de 19 % pour l’année 2015 sur les premiers 500 000 $ de revenus “actifs” générés (voir plus bas les différentes sources de revenus et les taux d’imposition liés). Aussi, les entreprises qui oeuvrent dans le domaine manufacturier pourront bénéficier d’allègements supplémentaires prévus (note 1 plus bas).
À noter que les taux d’imposition des particuliers sont établis sur une base progressive en fonction des revenus. Le taux marginal maximal est de 49,97 % sur les revenus dépassant une base de revenu de 136 000 $.
La décision quant à l’incorporation ne doit pas uniquement se baser sur cet élément important et doit plutôt être incluse dans un processus plus global. Vous trouverez ici quelques éléments importants pour nourrir votre réflexion.
Cette question simple, mais cruciale, doit être posée dès le départ. Et ce, parce que le taux d’imposition avantageux dont bénéficie l’entreprise incorporée s’applique uniquement sur la portion des profits qui sont laissés dans l’entreprise.
Ainsi, si le propriétaire de l’entreprise utilise la totalité des profits de l’entreprise pour soutenir son coût de vie, l’incorporation n’est pas souhaitable.
Il faut donc que l’entreprise génère plus de revenus que les propriétaires en ont besoin pour vivre. À partir de ce moment seulement, l’économie fiscale existe.
Des règles qui leur sont propres existent quant à la production des informations aux autorités pour les sociétés par actions. Ainsi, des déclarations fiscales distinctes doivent être produites pour déclarer annuellement les revenus de l’entreprise et ainsi établir les impôts dus.
Par ailleurs, des frais de création et de maintien des informations à jour concernant la société par actions doivent être assumés annuellement : procès-verbaux de la compagnie, informations contenues au Registre des entreprises provincial ou fédéral selon le cas, etc.
Enfin, la documentation financière à produire pour les autorités dans le cas de société par actions est plus complète et nécessitera généralement des investissements annuels plus importants que dans les autres formes juridiques, surtout comparativement à l’entreprise individuelle.
Il est donc nécessaire de prendre en compte les frais supplémentaires (récurrents et non récurrents) de l’incorporation de la société par actions dans l’analyse de l’économie réelle qu’elle engendre.
Une dernière question à évaluer sera celle qui concerne le type de revenus générés par l’entreprise.
Tel que discuté plus haut, le taux d’imposition de 19 % s’applique seulement aux revenus d’entreprises exploitées activement. Si les revenus générés par l’entreprise sont uniquement de nature passive, le taux de 19 % ne s’applique pas. Les revenus passifs sont composés entre autres des revenus de location et des revenus de placements, qui sont sujets à un taux d’imposition beaucoup plus élevé (tout près de 49 %) et à une possible récupération d’une portion cet impôt dans certaines conditions.
Dans le cas où l’entreprise exploitée génère des revenus passifs, il faudra donc reconsidérer l’incorporation, puisque le principal avantage fiscal sera éliminé.
La responsabilité des propriétaires est souvent soulevée comme un avantage important de la société par actions, puisque celle-ci constitue bel et bien une personne à part entière. C’est ce qu’on appelle le voile corporatif.
Par contre ce voile peut être parfois très mince :
– Lorsque la société par actions contracte un emprunt, il est dorénavant courant que les institutions financières exigeront un cautionnement ou d’autres garanties qui engagent clairement la responsabilité des administrateurs ;
– En cas d’insolvabilité de la société par actions, les administrateurs sont généralement personnellement responsables des déductions à la source sur les salaires des employés ainsi que du paiement des taxes à la consommation si les montants n’ont pas été remis correctement ;
– En cas de fraude, d’abus de confiance ou de délit contre l’ordre public, le voile corporatif peut être levé.
Par ailleurs et tel que mentionné plus haut, il est important de mentionner que le propriétaire pourra bénéficier d’une assurance responsabilité pour protéger l’entreprise contre les risques reliés à l’exploitation de l’entreprise. Ce qui vient limiter l’utilité de ce voile corporatif qu’offre la société par actions.
Considérant ces éléments, il faudra donc analyser le volet de la responsabilité des propriétaires d’un regard plus objectif dans l’exercice du choix de la forme juridique pour exploiter l’entreprise.
L’incorporation en société par actions représente donc une décision très avantageuse, mais une analyse approfondie de la réalité propre de l’entreprise et de son ou ses propriétaires doit être effectuée avant de conclure à un avantage avéré.
C’est pourquoi l’aide apportée par les professionnels comptables, avocats et notaires représente souvent une source précieuse dans le processus de prise de décision y menant.
Note 1 : Dans le cadre du budget du 4 juin 2014 publié par le gouvernement du Québec, le taux d’impôts pour les PME manufacturières au Québec pourra à certaines conditions, être diminué jusqu’à un maximum de 4 %, ce qui ferait passer le taux d’imposition combiné pour certaines entreprises à 15 %.
Jacques Nicole, CPA,CA Nicole & Tessier, CPA inc. Tél. : 418 650-5662 / [email protected]