Pourtant, elles pourraient donner un sérieux coup de pouce à la conception de produits et à l’innovation. En étudiant les matériaux à cette échelle (un nanomètre est environ 30 000 fois plus fin que l’épaisseur d’un cheveu), les chercheurs obtiennent tout un éventail de nouvelles propriétés.
Ainsi grâce à la manipulation moléculaire, les produits créés par cette nouvelle science, qui s’intéresse à la plus petite partie de la matière, seraient plus solides, moins coûteux et plus efficaces.
« Les nanotechnologies fascinent par le potentiel de développement qu’elles recèlent dans la quasi-totalité des secteurs industriels », mentionne Benoît Balmana, pdg de NanoQuébec, un réseau pluridisciplinaire créé au début des années 2000 et financé par le Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE) afin de promouvoir ces nouvelles technologies.
En plus de promouvoir et de financer l’innovation, l’organisme entend positionner le Québec comme pôle d’excellence dans le domaine en dynamisant les interactions entre le milieu académique et l’industrie.
On s’intéresse principalement à quatre créneaux porteurs soit la santé, l’électronique, les matériaux industriels etla foresterie. Endépit du peu d’intérêt manifesté par la plupart des entrepreneurs et gens d’affaires, les réalisations ne se sont pas fait attendre au cours des dix dernières années.
Une des réalisations exceptionnelles touche le secteur des matériaux cimentaires. Un nouveau procédé basé sur les nanotechnologies permet en effet le remplacement de la fumée de silice, une ressource peu accessible employée dans les bétons haute performance.
« La nanopoudre de verre ou nanosilice provenant des déchets recyclés est transformée en fine poudre, explique le professeur Arezki Tagnit-Hamou de l’Université de Sherbrooke. « Les nanosphères contenues dans la poudre de verre densifient le béton, le rendant encore plus résistant et moins perméable. »
Une avenue qui laisse présager un bel avenir pour cette ressource, quand on sait que la production de béton dans le monde dépasse les quatre milliards de mètres cube par année et constitue la matière la plus utilisée sur la terre après l’eau.
L’industrie de la microélectronique, quant à elle, est touchée de plein fouet. On favorise en effet, la production de prototypes de microsystèmes qui seront dictés par les besoins du marché dans les domaines d’application tels que les technologies de l’information et des communications, l’automobile, l’aérospatiale, l’environnement et la santé pour en accélérer la commercialisation.
De l’avis de Claude Jean, vice-président et directeur général de Teledyne Dalsa Semiconducteur, de Bromont, « l’industrie des semiconducteurs est en grande transformation. Les produits que nous utilisons aujourd’hui sont de plus en plus issus de la convergence (coopération) et de l’intégration de multiples technologies. »
On constate de plus que la Loi de Moore ne se dément pas, à savoir que le nombre de transistors par unité de surface d’un circuit intégré continue de doubler à tous les 18 à 24 mois. Ainsi, on comprend que le contenu des composantes électroniques, électromécaniques et optiques d’un téléphone intelligent notamment soit en rapide évolution.
Par ailleurs, l’intégration de nanoparticules aux composantes d’un tuyau de plastique utilisé en géothermie permet maintenant d’optimiser les échanges de chaleur et d’atteindre une plus grande conductivité.
C’est du moins le pari gagné de Versaprofiles, filiale d’IPL et important fabricant nord-américain de tuyaux et de tubulures en thermoplastique pour les systèmes géothermiques.
Aux dires de Stéphane Gonthier, président de l’entreprise, « l’utilisation des nanotechnologies nous a permis de concevoir le tuyau le plus performant au monde. »
Les nanos peuvent également protéger les planchers contre les éraflures et les égratignures. En effet, de nouveaux vernis mis au point avec cette technique réduisent l’abrasion et diminuent l’usure du plancher. Parquets Alexandra, une PME de Lévis, en fait la promotion.
Selonsa présidente, Alexandra Fortier, « les nanotechnologies ont donné naissance à une nouvelle génération de vernis très performants qui contribuent à préserver la beauté et la durabilité des parquets. »
De son côté, le professeur Gaétan Laroche et son équipe de l’Université Laval, ont travaillé sur la formation de buée sur les surfaces de verre et réussi à développer un revêtement antibuée.
Leurs travaux ont suscité beaucoup d’intérêt, les applications étant très nombreuses. On a qu’à penser aux fenêtres, aux visières pour casque protecteur, aux lunettes de correction de la vue, aux lentilles d’appareil photo ou encore aux pare-brise des véhicules. À lui seul le marché de la lunetterie représenterait un énorme potentiel.
En effet, plus de quatre milliards de personnes sur la planète requièrent une correction visuelle. Le revêtement antibuée est permanent pour le verre; il est également applicable sur le plastique.
Le monde de la santé n’est pas en reste. Selon Josée Blanchard, directrice Développement des affaires, service de la vie, Sherbrooke Innopole, « les nanobiotechnologies ouvrent notamment la voie dans le domaine du diagnostic (capteurs, imagerie, etc.) et de la thérapeutique (livraison de médicaments, encapsulation, etc.). »
De plus, on s’attend à ce que la nanomédecine transforme la médecine actuelle. La production et la commercialisation des produits pharmaceutiques subiront également de profonds changements.
Verra-t-on un jour une ruée vers les nanos au Québec? En dépit de tous ces succès, la technologie n’a pas encore la cote au sein des PME québécoises. Certes, on retrouve une communauté de chercheurs, professeurs et étudiants en quête de nouveaux résultats probants, mais en général les industriels ne suivent pasla cadence.
Regarde-t-on passer le train ou nos connaissances sur le sujet sont-elles trop embryonnaires?
Pour pallier à cette lacune, NanoQuébec vient de mettre en place l’Infrastructure québécoise en nanotechnologies (IQN), un organisme qui fait le pont entre les projets industriels et les ressources existantes.
Cette plate-forme originale regroupe les différentes expertises en nanofabrication, caractérisation des matériaux, synthèse chimique et modélisation.
Selon Dolores Martinez, directrice Affaires scientifiques de l’IQN, « nous voulons faciliter les échanges entre les utilisateurs et les différentes compétences québécoises en matière de nanotechnologies afin d’assurer le meilleur service possible pour le développement de nouvelles applications. »
Ce guichet unique de calibre mondial regroupe un parc d’équipements de pointe de plus de 300 M$ au sein de onze centres de recherche spécialisés. De plus, quelque 300 personnes ressources sont dédiées aux utilisateurs académiques et industriels.
« L’IQN est en mesure d’offrir une gamme complète de services tels que la formation et le support d’usagers, l’utilisation autonome de l’équipement, la prestation de services contractuels et l’encadrement de projets R&D d’envergure, » ajoute Madame Martinez.
Si les nanotechnologies sont adaptées aux différents secteurs d’activités, la foresterie n’en fait pas exception. L’extraction de la nanocellulose cristalline à partir de la cellulose, principal constituant des végétaux, ouvre en effet la voie à une multitude d’applications.
Les domaines de l’aérospatiale, des appareils médicaux, des produits chimiques, de l’automobile ou encore des composites ou des revêtements peuvent bénéficier de cette nouvelle approche.
La recette : la fibre de bois est décortiquée à la manière des bâtonnets de fromage ficellos en vue d’obtenir des milliers de filaments appelés nanocellulose cristalline (NCC).
C’est ce procédé qui a permis d’inaugurer à Windsor au Québec la première usine de démonstration de NCC au monde au coût de 36 M$.La société CelluForce, une coentreprise à part égale entre Domtar et FPInnovations, s’oriente vers une production d’une tonne métrique par jour du nanoproduit.
« La NCC est un matériau de pointe qui améliore la résistance, la force et la dureté des produits. » préciseJean Moreau, président et chef de la direction de CelluForce. « Elle peut réduire les dommages causés par l’usure, l’abrasion et la lumière. »
Qui plus est, ce nanomatériau de grande valeur est naturel, renouvelable, recyclable, compostable et biodégradable. Cette nouvelle avenue pourrait donner à l’industrie forestière un second souffle pour ne pas dire davantage.
Plutôt que de considérer les nanos comme une industrie en soi, il faut les voir comme une technologie habilitante (facilitante) qui s’intègre et améliore les chaînes de valeur des industries.
En effet, ces nouvelles techniques doivent être perçues comme favorisant le développement et l’amélioration de technologies déjà existantes.
À la lumière des nombreux succès depuis une dizaine d’années, le Québec entre dans la parade de cette nouvelle révolution industrielle.
« Dans les quatre secteurs prioritaires au Québec, les développements d’applications s’accélèrent et permettent à des entreprises d’accroître leur capacité d’innovation et d’améliorer leur compétitivité », de conclure M. Balmana.