
Pour le professeur titulaire Ion Garate Aramberri, du département de physique de l’université de Sherbrooke et directeur du Regroupement québécois sur les matériaux de pointe, il est difficile de fixer des limites au développement des nanomatériaux.
« Étant physicien théorique, il est difficile pour moi de savoir où les nanotechnologies nous mèneront d’ici à 5-10 ans dans des domaines comme l’automobile, la construction et l’aérospatiale. Il y a certainement des applications de la nanotechnologie dans la miniaturisation des circuits intégrés, omniprésents aujourd’hui dans les autos et dans les avions, le but étant de créer des composantes électroniques plus puissantes et plus énergétiquement efficaces. »
Selon le dictionnaire Le Robert, un nanomatériau est un matériau composé d'objets (particules, fibres ou tubes) dont la taille n'excède pas 100 nanomètres. Les fullerènes, le graphène sont des nanomatériaux. Selon ce même dictionnaire, la nanotechnologie est une technologie qui s'intéresse aux objets à l'échelle moléculaire ou atomique. Il existe divers organismes au Québec qui effectuent de la recherche sur les nanotechnologies et les nanomatériaux afin de développer de nouveaux produits et collaborer avec des entreprises industrielles.
Le Regroupement québécois sur les matériaux de pointe est un de ces groupes et il comprend 80 équipes de recherche opérant dans trois pôles universitaires : École polytechnique de l’université de Montréal, l’université McGill et l’université de Sherbrooke. À cette dernière institution de haut savoir, parmi les cinq principaux axes de recherche, deux – Nanomatériaux et matériaux d’inspiration biologique ainsi que Matériaux pour de nouvelles technologies de pointe – sont concentrés sur la nanotechnologie sous toutes ses formes.
Les institutions académiques sont très actives dans le domaine de la recherche en nanotechnologies et en nanomatériaux. Suffit de souligner que l’Université McGill a son MIAM (McGill Institute for Advanced Materials), l’Université de Montréal possède son LABSCFA (Laboratoire de structures de fibres et de composites avancés) alors que l’université de Sherbrooke est le site du LN2 (Laboratoire nanotechnologies et nanosystèmes). Il arrive également que les unités de recherches travaillent de concert avec l’entreprise privée comme c’est le cas du Groupe de partenaires d’affaires (GPA) de l’université de Sherbrooke, qui collabore avec des chercheurs et des organismes subventionnaires.
« Le GPA nous fait découvrir les besoins du milieu, impossible pour nous à identifier seul. Il permet de trouver une application industrielle rapidement à nos connaissances et à nos compétences, et à l’inverse, nous fait découvrir que nous avons une pièce du puzzle pour répondre à des besoins concrets », mentionne Nadi Braidy, professeur de la faculté de génie, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les nanomatériaux multifonctionnels et membre de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique.
Le professeur Braidy fonde beaucoup d’espoir dans ce que les nanomatériaux peuvent faire pour améliorer la vie des humains. Par exemple, son équipe travaille sur des nanosondes qui détecteraient des allergènes dans les aliments. Ces nanosondes sont issues de nanocornes de carbone, générées par la décomposition de carbone puisé à même le plasma. Le professeur croit que les nanomatériaux sont à la rescousse de l’environnement et ces recherches tendent à le confirmer.
Le graphène n’est pas un élément qui se trouve dans la nature ou sur le tableau périodique, il s’agit d’un produit de la chimie du carbone, dérivé du graphite, qui est considéré comme un nanomatériau. Un des plus importants fabricants de graphène au monde se trouve à Montréal. Il s’agit de NanoXplore, une société intégrée verticalement qui produit des poudres de graphène, des polymères et autres matériaux graphiques pour les secteurs de la construction, des transports, de l’énergie renouvelable et autres applications industrielles. Il existe deux procédés de production de graphène, soit par l’utilisation de gaz carbonique et de catalyseurs ou encore en exfoliant des couches de graphite. NanoXplore privilégie ce second procédé.
Les activités de NanoXplore sont concentrées à 70% dans les industries de l’automobile et du transport avec des produits comme des lignes de frein et des pièces issues de moules à injection. Une entreprise sœur opérant sous le nom RMC, possède des usines à Saint-Éphrem-de-Beauce et Saint-Clotilde-de-Beauce, et produit des capots de camion en nanomatériaux composites. Une filiale ontarienne, Canuck Compounders, conçoit des nanomatériaux utilisés dans la fabrication de pare-chocs.
NanoXplore manufacture aussi des nanomatériaux entrant dans la conception d’isolants en mousse pour l’industrie de la construction. Une autre filiale, VoltaXplore, de Dollard-des-Ormeaux, développe des batteries lithium-ion de nouvelle génération pour des outils portables de haute performance, de la machinerie lourde, les industries de la défense et aéronautique.
« Lors de son arrivée sur le marché au début des années 2000, plusieurs pensaient que le graphène allait changer le monde. Mais la réalité nous a rattrapés, il a fallu que le graphène soit soumis à de multiples tests afin de prouver qu’il n’était pas nocif pour la santé. Toutes ces étapes de certification étaient dispendieuses et avec le temps, il a été possible de réduire les coûts de production et de certification. Les fabricants comme NanoXplore ont réussi à diminuer les coûts de développement afin de rendre les produits de graphène plus abordables. Il s’agit d’une alternative de haute qualité et c’est ça que les clients achètent si le prix est raisonnable », explique le directeur de la technologie chez NanoXplore, Nima Moghimian. Ce dernier gravite dans le monde du graphène depuis de nombreuses années, ayant obtenu une maîtrise en graphène de l’Université de Barcelone en 2010, il s’est ensuite dirigé au Canada, afin de compléter un doctorat à l’Université de Victoria.
Aujourd’hui, l’entreprise est probablement le plus important producteur de graphène et de produits dérivés en dehors de la Chine. NanoXplore accorde une grande importance à la recherche et au développement de nouveaux produits en acquérant des équipements standards pour les adapter à ses besoins.
« L’entreprise se diversifie en s’attaquant à de nouveaux marchés comme les batteries, la défense, l’électronique haute puissance, l’aérospatiale ainsi que les haut-parleurs sans fil et de la machinerie médicale. Le cycle de vente afin de convaincre un client de se tourner vers le graphène est relativement long alors qu’il faut passer par les devis techniques émis par les fabricants de pièces d’origine, les tests de performance, la conceptualisation et sa validation ainsi que sa certification. Ça peut prendre quelques années. Mais en bout du compte, ce que les clients achètent c’est une solution de qualité et rentable », ajoute Nima Moghimian, qui était un membre de la première équipe d’employés de NanoXplore lorsque l’entreprise a vu le jour en 2011.