Selon lui, les entreprises Cascades, Domtar et Kruger ont été moins frappées par la crise forestière que les compagnies localisées au nord du Québec. «Cette situation s’explique principalement par la proximité d’une forêt privée couvrant 90% du territoire estrien. La matière première, ou la fibre nécessaire à la conception du produit fini, se trouve donc moins chère qu’au nord ou l’État, sur ses terres publiques, qui la vend la plus chère au monde», déplore-t-il.
Dans le même souffle cependant, M. Chevrette énumère d’autres points avantageux pour les papetières estriennes comme la proximité du marché américain, ainsi que la qualité de la ressource et de la fibre. «Si vos entreprises s’en sortent d’ici un an, je pense que le pire sera passé et je vous le souhaite», résume-t-il. L’avenir demeure néanmoins sombre pour l’industrie forestière québécoise. M. Chevrette croit que le bon sens triomphera pour aider les entreprises à stopper l’hémorragie, les pertes d’emplois et les déficits.
«Les entreprises perdent de l’argent à tous les jours. Il faut se réveiller, sinon les risques que la crise s’aggrave de façon plus intense existent bel et bien. On n’est plus dans la gamme, car l’État vend la fibre encore trop chère. Le nouveau Ministre responsable des Forêts, Claude Béchard, doit faire un gros effort, mais ses engagements sont prometteurs. Sinon, seuls les plus performants survivront», prévient-t-il.
Le second problème de l’industrie forestière, concerne la hausse de la valeur du dollar canadien, ce qui affecte également le secteur des papiers et des produits connexes. M. Chevrette rappelle que chaque augmentation d’un cent du dollar canadien par rapport à la devise américaine, équivaut à 150 millions $ de revenus de moins pour l’industrie québécoise. «Pour une usine de pâtes et papiers de 300 000 tonnes, c’est une perte de près de 20 millions $ depuis le début de l’année», s’inquiète-t-il.
Les trois papetières estriennes donnaient du travail à 1 910 personnes au mois d’octobre 2006, selon les statistiques du Canadian Paper Analyst, soit près de 15% de toute l’industrie des pâtes et papiers québécoises. Solidement implanté en Amérique du Nord et en Europe, Cascades est un chef de file en matière de fabrication, de transformation et de commercialisation de produits d’emballage – cartons plats, cartons-caisses et produits d’emballage spécialisés – de papiers fins de spécialité et de papiers sanitaires.
Fondé en 1964, le groupe jouit notamment d’une vaste expertise dans le recyclage et le désencrage de fibres, ce qui fait dire à M. Chevrette que Cascades obtient de meilleurs rendements grâce à cette spécialisation. Cascades regroupe plus de 14 000 femmes et hommes travaillant dans une centaine d’unités d’exploitation situées en Amérique du Nord et en Europe. Les actions de Cascades se négocient à la Bourse de Toronto sous le symbole CAS.
Cette entreprise, dont le siège social est établi à Kingsey Falls, est dirigée par la famille Lemaire, en l’occurrence Bernard, Alain et Laurent. 190 personnes travaillent dans cette petite municipalité à son siège social, à son centre de recherche et dans ses usines.
Ses travailleurs y produisent notamment du carton doublure (brun, blanc, couché et non couché), du papier pour tubes, du papier pour bouts de bobines, ainsi qu’une gamme de cartons non couchés.
425 autres personnes oeuvrent toujours pour Cascades dans deux usines à East Angus. L’installation la plus importante produit 64 000 tonnes métriques par année en pulperie et 89 000 tonnes métriques en papeterie. Sa gamme de papiers pour enveloppes, de boucherie, pour sacs, ou résistant à l’humidité ou au feu, prend la direction du Québec, de l’Ontario, des États-Unis et de l’étranger. La seconde usine d’East Angus, de moindre envergure, produit des cartons recyclés à 100%.
L’usine de Domtar embauche 825 personnes à Windsor. M. Chevrette mentionne que la compagnie est peut-être sur la bonne voie, depuis la récente fusion avec le géant américain Weyerhaeuser et ce, même si l’usine a fermé ses portes pendant dix jours en juin dernier. L’usine estrienne a été construite entre 1985 et 1987. Son rendement atteint les 620 000 tonnes en papier à photocopie, formulaire bond et papier d’ordinateur, papier pour enveloppes, papier d’impression offset, etc…
Globalement, la société conçoit, fabrique, commercialise et distribue une large gamme de papiers fins à un éventail de clients, incluant des marchands de papiers, des grandes chaînes, des imprimeurs commerciaux, des maisons d’édition, etc… Elle est le plus important fabricant de papiers non couchés en Amérique du Nord avec une capacité de 4,9 millions de tonnes dans 15 usines. Domtar a également livré 1,3 million de tonnes de pâtes commerciales en 2005.
L’usine de Kruger de l’arrondissement de Brompton, à Sherbrooke, donne du travail à 470 personnes. Ce complexe comprend une usine de pâtes et papiers, un atelier de désencrage, une centrale hydroélectrique et une usine de cogénération à la biomasse. On y produit un papier journal de haute qualité à partir de pâte thermomécanique et recyclée, surtout destiné aux marchés d’exportation.
Cette usine est affiliée au réseau Kruger depuis 57 ans, mais est en opération depuis 1903. Elle produisait quotidiennement, en 2005, 600 tonnes de pâte et 622 tonnes de pâte désencrée obtenue à partir du papier recyclé. Trois machines de papier assurent la production de 840 tonnes de papier journal par jour. Selon M. Chevrette, cette spécialisation lui fait mal, car son rendement déficitaire s’explique principalement par la baisse de la demande en papier journal, qu’il estime entre 4% et 5% par année.
Fondée en 1904, la société Kruger est un important producteur de papiers pour publications, de papiers à usages domestiques et industriels, de bois d’oeuvre et autres produits du bois. Elle possède des établissements au Québec, en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve, au Labrador, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et emploie 10 000 personnes.