Dans de nombreuses entreprises où chaque commande donne lieu à un produit unique ou très variable, le processus de soumission représente un défi de taille. Celui-ci nécessite beaucoup d’efforts, une grande expertise, et toute erreur peut s’avérer coûteuse. Et, les personnes capables de bien estimer les coûts – souvent les plus expérimentées – sont aussi celles qui approchent de la retraite, rendant cette expertise difficile à conserver et coûteuse à renouveler.
Parallèlement, les données utilisées pour bâtir les soumissions sont de plus en plus informatisées : plans, devis, modèles 3D, cahiers des charges en langage naturel, etc. Toutefois, les approches de programmation traditionnelles n'exploitent pas cette richesse à son plein potentiel, faute de standardisation suffisante. C’est ici que l’intelligence artificielle (IA) entre en jeu : elle permet d’extraire les informations pertinentes, même à partir de documents mal structurés, et de les comparer à des données historiques pour produire des estimations rapides, précises et évolutives dans le temps.
Avant de pouvoir tirer parti de l’IA pour estimer les coûts de production, certaines conditions doivent être réunies, notamment en ce qui concerne la qualité, la nature et la cohérence des données utilisées. L’IA ne peut pas s’entraîner efficacement sur un simple croquis griffonné sur le coin d'une table ; elle a besoin de données interprétables numériquement. Cela dit, même des documents manuscrits peuvent être utiles, à condition d’être numérisés et contextualisés, car les modèles modernes sont capables de reconnaître des formes et des structures dans une grande variété de formats. Le défi réside donc moins dans l’idéalisme du format que dans la capacité du modèle à traiter cette diversité. Idéalement, les données fournies à l’IA doivent être pertinentes et ciblées, afin de limiter le « bruit » qui pourrait nuire à la qualité de l’apprentissage.
Cependant, dans un contexte réel, il est souvent difficile d’imposer un format standard aux clients, ce qui rend ce type de projet particulièrement complexe. Par ailleurs, une banque de données historiques est essentielle : l’IA apprend en observant des cas où les données d’entrée (plans, devis, demandes) sont liées à des résultats connus (coûts réels, délais, matériaux utilisés). Enfin, pour que l’IA puisse faire des prédictions utiles, les exemples d’entraînement doivent ressembler aux cas futurs. En d’autres termes, si les données fournies sont trop éloignées de la réalité opérationnelle à venir, l’IA sera incapable de produire des estimations fiables. La réussite d’un projet IA repose donc avant tout sur la qualité, la diversité maîtrisée et la pertinence des données utilisées pour l’entraîner.
Une fois les bases en place — données informatisées, historiques fiables et cas d’usage bien définis — le déploiement de l’IA dans le processus de soumission peut commencer de manière progressive et encadrée. Dans un premier temps, l’IA doit agir comme un outil de soutien à la personne responsable des estimations. L’employé poursuit son travail habituel, tandis que l’IA lui propose des estimations de prix, que ce dernier valide ou ajuste selon son jugement. Ce mode de fonctionnement permet non seulement de construire la confiance envers le système, mais aussi de continuer à l'entraîner sur des cas réels. Avec le temps, les prédictions de l’IA devraient se rapprocher de plus en plus des estimations humaines, jusqu’à devenir difficilement distinguables.
À ce stade, l’IA peut prendre un rôle plus actif en générant les premières propositions de prix, que l’employé n’aura plus qu’à valider — ou corriger si nécessaire. Il est important de souligner que l’objectif n’est pas de remplacer l’expertise humaine, mais de l’augmenter. L’humain reste au cœur du processus décisionnel, et l’introduction de l’IA doit être accompagnée d’une réflexion sur son rôle et ses limites afin d’éviter toute mauvaise interprétation. Enfin, pour que le modèle continue de s’améliorer, il est essentiel de l’entraîner en continu non seulement sur les estimations humaines, mais aussi sur les données réelles de production, afin qu’il apprenne à ajuster ses prédictions à la réalité du terrain.
Se lancer dans un projet d’IA ne convient pas à toutes les entreprises, et il est essentiel d’en valider la pertinence avant d’investir. Pour les organisations qui produisent des biens standardisés, une approche plus traditionnelle d’analyse de coût de revient pourrait suffire. En revanche, lorsqu’il s’agit de produits sur mesure ou très variables, l’IA peut représenter un levier puissant d’efficacité et de précision. Dans ce cas, il est recommandé de comparer son propre cas d’usage avec les solutions disponibles sur le marché avant d’opter pour un développement sur mesure. Ce dernier peut s’avérer plus coûteux, mais offrir un avantage concurrentiel significatif.
Il est également crucial de bien connaître les programmes de financement disponibles en intelligence artificielle, qui peuvent grandement alléger la facture, ainsi que l’expertise de l’écosystème pour identifier les bons partenaires techniques. Un accompagnement stratégique permet non seulement de structurer le projet de manière réaliste, mais aussi d’augmenter considérablement les chances de succès. Il facilite la transition d’une simple preuve de concept (POC) vers un produit viable, en réduisant les risques d’échec, en gagnant du temps et en assurant une meilleure efficacité globale du processus.
Automatiser les soumissions à l’aide de l’IA n’est pas seulement possible, c’est une voie prometteuse — à condition que ce soit fait de manière réfléchie et rigoureuse. Le véritable enjeu consiste à trouver la solution la mieux adaptée à son contexte spécifique, en tenant compte de la nature des produits, des données disponibles et des objectifs d’affaires. On y parvient notamment en s’entourant des acteurs clés de l’écosystème et en s’inspirant de cas à succès.
Enfin, une fois les soumissions automatisées avec succès, d’autres opportunités s’ouvrent : l’analyse prédictive, l’optimisation des processus ou la valorisation de nouvelles données peuvent alors devenir les prochaines cibles d’innovation.
L’IA ne remplace pas l’humain, elle l’amplifie — à nous de l’intégrer intelligemment !