Une majorité des chefs d’entreprises membres de la FCEI estime qu’un allègement réglementaire est nécessaire au Québec. Et si le contexte économique actuel était une occasion de frapper fort?
Après la crise de la Covid-19, les hausses de tarifs douaniers provenant des États-Unis viennent contrecarrer les plans de plusieurs PME québécoises. Si bien qu’un certain nombre d’entre elles cherchent de nouveaux marchés. Les autres provinces pourraient bien représenter des opportunités encore peu exploitées. Problème, certaines réglementations représentent un frein à ce nouvel élan, qui pourrait être salvateur pour beaucoup d’entrepreneurs.
« Oui, le Canada est un pays lourd au niveau du fardeau administratif, fait remarquer Vincent Pâquet, analyste principal des politiques pour le Québec à la Fédération Canadienne de l’Entreprise Indépendante (FCEI). Il existe beaucoup de paperasse. Certes, on ne plaide pas pour enlever des éléments essentiels, mais des formulaires inutilement lourds. »
À titre d’exemple, le spécialiste vise quelques processus internes au pays. « Des agences gouvernementales se sont multipliées avec leurs propres règlements variant selon les provinces, poursuit-il. Je peux citer la viande qui nécessite un certificat fédéral puis provincial afin d’attester de sa qualité pour circuler entre l’Ontario et le Québec. Or, les villes de Gatineau et Ottawa sont à cinq minutes de distance par la route. Est-ce vraiment utile de devoir obtenir deux certificats dans ce cas précis? »
La FCEI demande aux provinces d’accélérer la réduction des barrières interprovinciales et d’adopter la reconnaissance mutuelle. Elle salue le leadership des premiers ministres de l’Ontario, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse qui ont passé de la parole aux actes avec des projets de loi.
« Nous sommes ravis de voir que presque tous les gouvernements participent au projet pilote dans le secteur du camionnage. C’est bien, mais il faut aller plus loin, il faut peser sur l’accélérateur. Faire tomber les barrières interprovinciales est une stratégie économique à prioriser. Le Québec ne doit pas rester dans les estrades à regarder les autres agir. Nous demandons au premier ministre du Québec, François Legault, de s'engager à déposer cette année un projet de loi visant à accélérer le commerce interprovincial et à adopter la reconnaissance mutuelle », renchérit François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI. »
De plus, la FCEI reconnaît le travail effectué par le gouvernement sur l’allègement réglementaire. « On travaille fort pour voir la paperasserie aux entreprises diminuer dans la province, affirme Vincent Pâquet. En ce sens, nous avons appuyé le projet de loi 85. Ce projet de loi agit à des fins d’allègement du fardeau réglementaire et administratif. Regroupant une trentaine de mesures, cette pièce législative représentera des économies évaluées à près 20 M$ pour les entreprises. Notons le changement qui permet aux micro-brasseries d’arrêter le timbrage des cannettes à consommer sur place. Cela permettrait d’investir du temps dans les activités de l’entreprise. « On peut penser qu’adopter des mesures pour alléger la paperasserie est facile, mais non, chaque allègement vient avec une résistance au changement, fait remarquer François Vincent. Pourtant, ce travail de réduction de la paperasse assure une gouvernance saine et une amélioration continue de l’appareil public. »
Nous estimons que le gouvernement du Québec a fait des efforts depuis ces quatre dernières années, mais estimons qu’il pourrait en faire davantage, surtout sur les règles différentes ici qu’ailleurs au pays – ou en Amérique du Nord. C’est le cas avec la Loi des décrets de convention collective (LDCC). » François Vincent, vice-président de la FCEI, ajoute : « Cette loi vieille de 91 ans qui est unique en Amérique du Nord crée des règles spécifiques pour certains secteurs d’activités par région. Ce sont 10 000 entreprises assujetties qui doivent assumer un lourd fardeau administratif et fiscal de 47 M$ annuellement. Sérieusement, ça n’a plus sa place. »
« On touche là à un véritable phénomène de société! » - Vincent Pâquet
Un phénomène que l’on retrouve dans un sondage de la FCEI. « 87% des membres de la FCEI interrogés estiment que la lourdeur administrative réduit considérablement la productivité de leur entreprise, s’inquiète l’analyste. Et 51% d’entre eux affirment qu’ils pourraient consacrer leur temps à se concentrer sur l’expansion de leur commerce au lieu de remplir des tâches administratives ou des demandes de subventions, mentionne Vincent Pâquet. Enfin, 54% d’entre eux songent à augmenter les salaires et les services sociaux de leurs employés si l’administratif était moins prenant au niveau du temps et de l’argent. On touche là à un véritable phénomène de société! »
Selon un rapport de la FCEI, réalisé avec Intuit QuickBooks dans le cadre de la Semaine de sensibilisation à la paperasserie, les PME passent 32 journées par an à régler une paperasserie considérée comme « inutile », soit une augmentation de 35 % par rapport à 2020.
« C’est du temps précieux qui pourrait pourtant être mieux investi dans la planification des projets d’expansion, le service à la clientèle, la formation du personnel, voire la vie familiale. Éliminer des obstacles réglementaires pour libérer les entrepreneurs doit être prioritaire pour les gouvernements qui cherchent à stimuler la productivité au pays », affirme François Vincent.
En termes de dépenses, les chiffres sont révélateurs. En 2024, la réglementation représentait un coût approximatif de 10,9 G$ pour les entreprises québécoises!
Dans ce contexte, Les PME canadiennes ont un fardeau réglementaire plus élevé que les grandes entreprises. En 2024, le coût de la réglementation s’est élevé à 10 208 $ par employé pour les entreprises de moins de 5 employés, ce qui est plus de 5 fois le coût imposé à celles de 100 employés ou plus (1 374 $). De plus, les entreprises de moins de 5 employés ont passé 198 heures par employé à se conformer à la réglementation, contre 8 heures pour celles de 100 employés ou plus.
Afin de montrer sa volonté de voir des actes concrets dans le sens de l’allègement réglementaire, la FCEI n’a pas décerné cette année son Prix Ciseaux d’Or, distinction annuelle récompensant un groupe d’acteurs politiques pour leur geste envers la réduction de la paperasserie. Une première en dix ans. « Quelques initiatives prometteuses ont attiré notre attention en 2024, mais pas au point de leur attribuer un Prix Ciseaux d’or, insiste François Vincent. Le fait qu’il n’y ait pas de gagnant cette année envoie un message clair : les gouvernements doivent en faire plus! En 2025, les gouvernements du pays doivent prendre plus d’initiatives! Vu le faible niveau de productivité et d’investissement en capital au Canada, il faut des résultats concrets qui vont vraiment faire une différence. Il faut parler moins et agir plus. »
Une distinction « Mention honorable » a toutefois été attribuée à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) pour avoir modifié le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada (RSAC) applicable à Lloydminster, ville-frontière entre l’Alberta et la Saskatchewan.
D’autres opportunités se présentent pour améliorer le quotidien des PME avec l’arrivée progressive de l’intelligence artificielle. « Oui, cela pourrait être une solution, mais plusieurs entreprises ne seront pas concernées, modère Vincent Pâquet. Il persiste aussi un manque de connaissances dans ce domaine pour savoir quels seront les gains potentiels. »
La FCEI poursuit son combat contre l’allègement réglementaire en prenant à témoin le pouls des entrepreneurs du Québec en les rencontrant sur le terrain. D’ailleurs, elle est présentement en tournée « Talan – Impératif productivité » et participe aux échanges avec des leaders du secteur manufacturier.
Les arguments poussant les gouvernements à agir ne manquent pas et l’année 2025 propose un terreau fertile pour mener à bien plusieurs résolutions de la FCEI ayant comme objectif d’aider les entreprises à améliorer leur productivité.